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Grippe aviaire : sortir de la crise sans détruire l'élevage

Les éleveurs devant la presse, à Domezain (17/01/2017)

En ce début d’année, nous entendons à nouveau parler de la grippe aviaire : 800 000 canards ont été abattus dans le Sud-Ouest dans l'espoir d'endiguer l'épidémie de grippe aviaire.

Les producteurs fermiers dénoncent les méthodes industrielles d'élevage qui sont responsables de la diffusion à grande échelle de la grippe aviaire (transports de canards d'un site à un autre). Les méthodes d'élevage intensif provoquent l'apparition de virus, du fait de la taille et de la forte densité des élevages et l'affaiblissement génétique des canards. La place des paysans dans ces systèmes d'élevage est peu enviable, notamment avec la répétition des crises sanitaires.

En ce qui concerne les mesures de biosécurité imposées aux éleveurs, les producteurs fermiers demandent que les mesures soient adaptées aux élevages de plein air et de petite taille.

 

EXPLICATIONS - Pour mieux comprendre ce qui se passe, nous avons questionné Jean Michel Berho, éleveur de canard gras de race Kriaxera à Domezain.

 Jean Michel BERHO

On entend parler beaucoup de grippe aviaire ? Qu’est ce qui se passe ?

La grippe aviaire existe depuis toujours. Dans la nature, les oiseaux sont porteurs du virus, qui est très faiblement pathogène. Les oiseaux peuvent être porteurs sains, c'est-à-dire, qu’ils sont porteurs du virus sans déclarer la maladie.

Aujourd’hui, nous assistons à une véritable pandémie, à une propagation fulgurante du virus dans les élevages.  La souche (H5N8) qui sévit actuellement est plus virulente que celle de l’an dernier, les canards meurent rapidement. Il faut se poser la question du « pourquoi ». La grippe aviaire et bien d’autres maladies explosent partout. Les élevages de canards se sont fortement industrialisés ces vingt dernières années.  

La taille des élevages de plus en plus importante, couplée à une très forte densité dans des bâtiments confinés créent des situations hautement pathogènes. Les mutations de virus s’accélèrent et déciment les canards génétiquement affaiblis.

La sélection génétique est orientée vers une recherche de gain de productivité au détriment de la rusticité. Aujourd’hui, une seule souche alimente 70 % des élevages industriels en France. La diversité génétique est en danger, seuls deux sélectionneurs fournissent tout l’élevage industriel de France.

La grippe existe partout dans le monde, elle a des fortes conséquences chez nous car le système industriel d’élevage de canard s’est fortement développé. Ce n’est pas une fatalité, c’est une sanction. Il faut revenir à des élevages à taille humaine et en plein air comme nous le prônons en production fermière depuis bien des années.

La grippe se propage de manière fulgurante…

Dans un premier temps, on a essayé de faire porter le chapeau aux oiseaux sauvages. L’oiseau atteint meurt rapidement sur place, il ne peut donc contaminer des dizaines d’élevages situés à des centaines de kilomètres. Ça ne tient pas debout.

La filière du canard gras est ultra-segmentée, les différentes étapes de production sont réalisées par des opérateurs différents : les sélectionneurs, les éleveurs, les gaveurs, les abatteurs. A chaque étape de la chaîne, les animaux sont transportés d’un site de production à un autre et les distances sont de plus en plus grandes. Les camions circulent d’un élevage à un autre sans qu’aucune précaution ne soit prise (désinfection sommaire, camions ouverts à tous les vents, cages pas nettoyées,…).

L’épidémie est partie du Tarn : le voisin d’une ferme atteinte par la grippe aviaire, a fait partir 7000 canards vers d’autres sites. La maladie s’est très vite propagée sur trois départements. L’abattage massif de 800 000 canards en préventif est illusoire. La maladie évolue vers l’Ouest, vers la plus grosse zone de production qu’est la Chalosse dans les Landes. C’est la panique totale du côté des autorités. L’ampleur de la maladie est effrayante, elle est à la mesure des kilomètres parcourus par les camions. L’industrialisation de la filière est la source de ces crises sanitaires à répétition.

Quelles sont les conséquences aujourd’hui ?

Pour l’instant ce sont les pauvres paysans qui travaillent pour le compte de l’industrie agroalimentaire qui souffrent le plus, ils sont tributaires de prix maintenus bas et ont peu de marge de manœuvre.

Les éleveurs de canards ont déjà été durement touchés l’an dernier lors de la première crise aviaire. Tout le monde a dû arrêter toute activité d’élevage sur les fermes afin d’assurer un vide sanitaire d’une durée de 3 mois minimum. C’est un manque à gagner important (environ 25%) et les indemnisations se font toujours attendre (30% des sommes ne sont toujours pas versées).

Dans cette période difficile, les agriculteurs ont dû faire des investissements importants pour répondre aux nouvelles normes de biosécurité. Ce sont eux qui prennent des risques financiers alors que la crise sanitaire est loin d’être réglée. Aujourd’hui, on prend pour remède la cause du problème.

Par mesure de sécurité, on oblige les éleveurs à maintenir leurs volailles confinées, alors même que c’est la concentration des animaux en milieu fermé qui fait exploser les maladies. Les industriels ont profité de la crise pour imposer leur modèle dominant. Il faut désigner les réelles responsabilités.

Quelle est la sortie de crise ?

Aujourd’hui, les règles de biosécurité imposent le confinement des animaux, cela est peu compatible avec nos conduites d’élevage. Nous conduisons des élevages de petite taille et en plein air. De plus, nous souhaitons promouvoir l’utilisation de races rustiques, certes moins productives, mais qui sont plus rustiques et qui résistent mieux. Nos élevages sont naturellement sains et solides.

Le fait de réaliser l’ensemble du cycle de production sur la ferme, sans recours au transport, diminue les risques.

En ce qui concerne les nouvelles normes de biosécurité, il est anormal de nous imposer les mêmes contraintes drastiques que des élevages industriels. Le risque sanitaire sur un élevage de 250 poules élevées en extérieur et de 3000 volailles élevées dans un milieu confiné n’est pas le même.

La plupart des producteurs fermiers remplissent  déjà un certain nombre de conditions sanitaires qui garantissent la biosécurité des élevages. C’est pourquoi, nous demandons que les mesures de biosécurité soient adaptées à la production fermière

Nous regrettons que nos pratiques ne soient pas reconnues, nous sommes à côté de la loi. Nous estimons que ce n’est pas aux producteurs «  vertueux » de payer les pots cassés.

Un dernier mot

Il y a des solutions à cette crise et chacun peut agir à son niveau. Le consommateur aussi a son pouvoir « d’achat ». Pour arrêter ces crises à répétition, il faut arrêter d’acheter les produits issus de l’industrie agroalimentaire au profit de la production fermière. 

La viande est comestible et la grippe aviaire n’est pas transmissible à l’homme. Il faut faire confiance à la production fermière qui a fait ses preuves, elle est la réponse aux nombreuses crises sanitaires à répétition.

A nous de consommer « responsable »!

 

Pour compléter ce propos, vous trouverez ci-dessous La Tribune Libre de Jean-Michel BERHO, paru dans Mediabask (19/01/2017).

21.01.2017
Pour en savoir plus >
Grippe_aviaire_Tribune_Jean_Michel_BERHO_01.pdf (37 KB)