Actualité

MINES D'OR de KANBO : les producteurs s'y opposent !

Après des mois de silence de l'administration et sans aucun préavis, une consultation publique vient d'être lancée sur la demande de permis exclusif de recherche de mines d'or, autour de Cambo-les-Bains et les alentours.

Le public a officiellement le droit de s'exprimer, uniquement par internet, dans des délais très courts, du 30 janvier au 17 février 2017. 

Afin de sensibiliser la population locale et exprimer son désaccord face à ce projet d'envergure aux multiples méfaits, l'association STOP MINES EH a réussi à mobiliser près de 1000 personnes, le 10 février 017, dans les rues d'Espelette.

 

Benjamin CHARRON est producteur de piment d’Espelette en agriculture biologique à Ustaritz, il est membre de l’association STOP MINES EH qui lutte contre le projet de mine d’or dit “de Kanbo” sur Cambo et ses alentours. Il nous explique les enjeux.

Peux- tu nous rappeler d’où vient ce projet de mines d’or en Pays Basque ? Comment avez-vous été informés de ce projet ?
C’est le Collectif des Associations de Défense de l’Environnement (CADE) qui est très vigilant sur ces questions là qui nous a alerté-e-s sur une demande de permis de recherche.
Suite à la première réunion publique d’information qui eu lieu à Ustaritz à l’automne 2015, nous avons mobilisé notre entourage et créé l’association « Stop Mines EH ».
C’est la société SUDMINE, petite société française basée dans le Loiret, qui a déposé ce permis exclusif de recherche d’or et de substances connexes pendant l’été 2015. De par son faible capital, de telles sociétés sont nommées “junior” dans le jargon. Ses principaux associés sont des géologues ou archéologues qui ont travaillé sur des projets miniers en Afrique et en Amérique du Sud. L’aboutissement de leur vie professionnelle est de trouver un filon d’or à travers cette société « Junior » qui se charge des premiers travaux d’exploration en surface. Si le filon est bon, le droit d’exploitation est vendu à une société dite  « major »  qui est bien souvent une multinationale. Ces sociétés souvent étrangères (Canada, Afrique du Sud, Australie…) ont des moyens importants, avec du gros matériel et des techniques plus lourdes qui permettent des recherches plus lourdes en profondeur.


Comment cela se fait que ce projet arrive en Pays Basque ?
Il faut d’abord rappeler le contexte politico-économique. En 2012, le ministre de l’économie Arnaud Montebourg a relancé l’exploitation minière sous prétexte de relocaliser de l’emploi, de relancer le « made in France ». Il a donc à nouveau autorisé l’exploitation des sous-sols. Des mines qui avaient fermé au début des années 2000 sont en voie de réouverture en Limousin et dans les Cévennes notamment.
Au Pays Basque, le passé minier est très riche, les mines sont par contre à l’abandon depuis plus de 2000 ans. Entre Itxassou et Cambo les Bains, on peut encore voir les vestiges du Camp de César [la montagne derrière l’actuel Intermarché]. Déjà en 1986, le Bureau de Recherche Géologique et Minière (BRGM) a fait des recherches de surface et découvert plusieurs dizaines de mines antiques, dont la plus importante est le Camp de César. A l’époque, les conditions économiques n’avaient pas permis de démarrer.


Comment se fait il que des mines à l’abandon soit aujourd’hui a priori intéressantes ?
Il y a deux milles années, le travail d’extraction se faisait à la main et de manière superficielle. Aujourd’hui, les techniques sont différentes, et avec les moyens actuels, ils sont en mesure d’aller prospecter beaucoup plus efficacement en profondeur.
Aujourd’hui, le cours de l’or est à son niveau le plus haut depuis 45 ans, donc pour eux, cela est intéressant et rentable, même en extrayant de petites quantités. Ils estiment trouver 3 à 4 g d’or par tonne de terre retournée, sous forme de paillettes. Ce sont des seuils de matière qui sont rentables pour eux.


C’est donc un argumentaire économique qui est mis en avant ?

L’argumentaire économique et le chantage à l’emploi sont mis en avant. Ils disent qu’ils vont créer de l’emploi, et créer une filière de bijoux en or du Pays Basque. Il ne faut pas tomber dans le panneau. Le travail d’extraction est très mécanisé et automatisé. Ce sont des employés très spécialisés qui viennent faire leur mission et qui repartent. Dans une mine de 100 hectares, il y a moins de 10 emplois. C’est bien peu par rapport aux emplois existants qui risquent d’être détruits en contrepartie. De plus, l’exploitation d’une mine ne dure jamais bien longtemps. Il faut comprendre par là que ce sont des visions spéculatives à court terme qui laissent en contrepartie des conséquences et des dommages sur l’environnement à long voire très long terme. Avec le recul et toutes les données que nous avons aujourd’hui à notre disposition sur l’exploitation minière à travers le monde, nous savons que le concept de mine propre comme a essayé de nous le faire avaler M. Macron pendant sa réforme du code minier ne tient pas debout. De par l’usage et la libération dans le milieu naturel de substances hautement chimiques et dangereuses comme l’arsenic et le cyanure, la pollution des eaux, des sols et des sous-sols continue pendant des décennies après l’arrêt de l’exploitation. Pas besoin d’aller chercher des exemples à l’autre bout du monde pour le démontrer. Le seul cas de la mine d’or de Salsigne dans l’Hérault (fermée dans les années 2000 et en cours de réouverture) est là pour nous le prouver. L’eau et les légumes cultivés dans les villages alentours sont impropres à  la consommation et le nombre de cancers plus important qu’ailleurs. 


Vous avez créé le collectif STOP MINES EH pour vous opposer à ce projet, pourquoi ?
Notre idée était d’abord de faire savoir, d’informer et de transmettre l’information au plus grand nombre. C’est pourquoi, en collaboration avec le CADE, nous avons organisé en 2015 et 2016 plusieurs réunions publiques sur des communes concernées par le projet (Ustaritz, Itxassou, Cambo, Sare, St Pée).De plus, on trouve insensé que des sociétés que l’on ne connaît pas, viennent du jour au lendemain défigurer nos paysages, polluer nos eaux, détruire le foncier agricole. C’est un projet énorme qui s’étend sur 125 km² et 11 communes avec plus de 150 points de prélèvements envisagés, notamment à proximité des cours d’eau. C’est désastreux. Et ce sont des gens qui risquent de partir comme ils sont venus, en laissant les sites en l’état, avec de graves nuisances environnementales.


De nombreuses organisations agricoles, dont notre association [des producteurs fermiers du Pays Basque] sont à vos côtés ?
En effet, à l’occasion de Lurrama 2015, un premier communiqué de presse avait déjà été rédigé avec les mêmes signataires que la semaine passée, dont l’APFPB. A rajouter aux soutiens de EHLG, ELB, les producteurs fermiers en AOP Ossau Iraty, l’AOC Kintoa, Inter AMAP Pays Basque, l’association XAPATA Cerise d’Itxassou, le CADE, Bizi, BLE et l’AOP Piment d’Espelette.
Il faut aussi signaler que fin 2015, le ministère de l’agriculture s’était positionné contre ce projet. Ce qui n’a pas été le cas par la suite de la DREAL qui a donné un avis favorable. Sur ce territoire, l’agriculture et le tourisme sont deux piliers importants de l’économie locale. Avec ce projet d’envergure, les filières de qualité du Pays Basque seront fortement impactées. Ce sont des centaines d’hectares agricoles qui sont en danger. L’agriculture locale est porteuse de nombreux emplois, elle crée de la valeur ajoutée, contribue à façonner une image et une notoriété grandissante sur le territoire.
Cette agriculture a incidence très positive sur le tourisme du Pays Basque.
Les structures porteuses de démarches collectives de qualité ont très vite compris ces enjeux et se sont positionnées contre ce projet dès l’automne 2015.


Aujourd’hui, quelle est l’actualité ?
Une enquête publique a lieu du 30 janvier au 17 février 2017, sur la demande de permis exclusif de recherche de mines, uniquement sur internet, sur le site du ministère de l’économie. C’est une internaute, habituée des luttes environnementales qui a lancé l’alerte. Nous n’avions plus de nouvelle de ce projet depuis le dernier rassemblement de juin 2016 à Saint Pée sur Nivelle. Les promoteurs du projet jouent au chat et à la souris avec nous. C’est pourquoi, nous avons organisé ce rassemblement à Espelette où plus de 1000 personnes ont participé, les habitants ont enfin pris conscience de l’enjeu et ont manifesté leur désaccord. 


Vous avez également reçu le soutien des 11 municipalités concernées même si certaines ont tardé à se positionner…

Fin 2015, les maires des communes concernées ont été consulté par le préfet pour se positionner, mais seulement à titre consultatif. Elles se sont toutes positionnées défavorablement.
En effet, la municipalité d’Espelette a tardé à se positionner, elle n’a pas immédiatement mesuré les conséquences d’un tel projet, mais elle s’est aujourd’hui positionnée contre.
A Cambo les Bains également, le soutien s’est fait attendre.  Les deux joyaux de la ville qui sont Arnaga et les Thermes risquent d’être fortement impactés dans leur image, avec un tel projet à proximité. Par exemple, une mine antique se situe à un kilomètre en amont des Thermes en bord de Nive. L’exploitation aurifère est très polluante pour l’eau.
M. Bru, maire de Cambo, qui était présent à la manifestation du 10 février 2017 à Espelette, a même adhéré à l’association. Il faut souligner que l’ensemble des communes concernées font front commun aujourd’hui, c’est ça qui est important, il n’est jamais trop tard pour bien faire.


Quelle sera la suite pour Stop Mines EH ?
Dans le contexte électoral actuel il faut rappeler que le prochain ministre de l’économie aura la main sur l’exploitation minière et l’octroi de permis exclusif de recherches minières.
Notre courte expérience nous fait dire qu’il faut continuer à rester mobilisés et vigilants.
C’est pourquoi, nous préparons une journée de soutien qui aura lieu en mai (date à fixer) à Itxassou, avec des débats, un repas et des concerts. Ce sera une journée festive pour continuer à informer.


Pour plus d’informations et participer à la consultation publique jusqu’au 17 Février : www.stop-mines-eh.org

11.02.2017