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Printemps : où sont les légumes locaux ?

Vous êtes nombreux à vous demander pourquoi l'offre de légumes est faible en ce moment. En effet, l'actualité COVID 19 a engendré une augmentation de la demande de légumes produits localement en cette période naturellement "creuse".

Les maraîchers continuent à livrer leurs clients habituels : les commandes dans les paniers sont en hausse (commande doublée), les magasins répondent aussi à une forte demande.

Nous sommes en avril et c'est donc naturellement la période ""creuse"" pour les légumes : c'est la fin des cultures d'hiver (poireau, chou, pomme de terre, courge...) et le début de la mise en place des cultures de printemps-été (courgette, tomate,...).

De plus, une dizaine de maraîchers sont en difficulté en ce moment car leurs serres ont été mises à terre lors des dernières tempêtes de vente. Ils doivent tout reconstruire au moment où tout doit être prêt pour les semis et plantations des légumes d’été.

Prenons patience, la saison naturelle des légumes viendra, les paniers seront bientôt remplis de légumes primeurs !

DOSSIER - LA SITUATION DU MARAICHAGE BIO EN PAYS BASQUE. 

 

INTERVIEW DE L’ASSOCIATION BIHARKO LURRAREN ELKARTEA- La Terre de Demain Pouvez nous présenter l’association Biharko Lurraren Elkartea ?

L'association B.L.E oeuvre depuis 27 ans pour le développement de l'agriculture biologique en Pays Basque par l'information, la formation, l'échange de savoir-faire, l'expérimentation et la promotion. Plus de 300 fermes adhèrent de manière volontaire à ce projet d'agriculture écologique.

Vous travaillez avec un groupe de maraîchers du Pays Basque ?

Les pionniers du maraîchage bio en Pays Basque en 1993 étaient à la création de l’association BLE. Si au départ, ils ont beaucoup appris par eux-mêmes l’échange entre maraîchers a été enrichissant. C’est ainsi que l’association BLE a créé un poste de technicien maraîchage pour répondre aux problématiques des maraîchers.

Actuellement nous travaillons avec des maraîchers de tout horizon : des maraîchers en bio, des maraîchers conventionnels qui souhaitent évoluer dans leurs pratiques et des maraîchers en cours d’installation.

 

Combien de maraîchers y a-t-il aujourd’hui au Pays Basque ?

Il y a à ce jour en Pays-Basque Nord environ 80 maraichers en bio et en conventionnels qui cultivent sur environ cent hectares de surface plein champ et dix hectares de serres. Malgré les apparences, la situation a énormément évolué.
En 2006, lorsque les premières AMAP (Association pour le Maintien de l’Agriculture Paysanne) en Pays Basque se sont créées, les consommateurs ont découvert la situation du maraîchage en Pays Basque. Il manquait de maraîchers pour répondre à la demande des groupes de consommateurs. C’était un problème structurel, les maraîchers étaient peu nombreux au Pays Basque. Les consommateurs ont donc encouragé quelques maraîchers à évoluer dans leurs pratiques de producteurs, d’autres groupes ont soutenu l’installation de nouveaux maraîchers. Ainsi aujourd’hui 32 groupes de consommateurs sont constitués en AMAP et e fournissent exclusivement auprès de maraîchers locaux. Malgré les apparences, la situation a énormément évolué.

Aujourd’hui, il y a 3-4 installations nouvelles par an notamment de jeunes en formation. Le Centre de Formation des Apprentis Agricole d’Hasparren permet d’acquérir le Brevet Professionnel du Responsable d’Exploitation Agricole spécialisé en maraîchage bio. C’est le premier pas vers une installation. 
La filière maraîchère s’est donc structurée progressivement. Mais cela prend du temps pour faire les choses convenablement et durablement.

 

Que se passe t il en cette saison, pourquoi y a-t-il peu d’offre en légumes ?

L'actualité COVID 19 a engendré une augmentation de la demande de légumes en cette période "creuse" mais les maraîchers continuent à livrer leurs clients habituels : les commandes dans les paniers sont en hausse (commande doublée), les magasins ont une forte demande, ils s’entraident entre eux pour compléter leur offre (échange de légumes entre eux), ils vendent des paniers à la ferme ou en livraison. Ils vendent toute leur production en ce moment. Et c'est tant mieux !

Mais la conséquence est un déficit accentué de légumes pour la plupart des maraichers.

Ceux qui vendaient sur les marchés livrent certains points de distribution de LEKUKOA, mais pas tous, c’est la raison pour laquelle il n’y a pas d’offre de légumes sur tous les points de distribution LEKUKOA. Par contre, cinq maraîchers conventionnels de Bayonne se sont groupés et assurent des livraisons sur Bayonne. 

Nous sommes en avril et c'est donc naturellement la période "creuse" pour les légumes : c'est la fin des cultures d'hiver (poireau, chou, pomme de terre, courge...) et le début de la mise en place des cultures de printemps-été (courgette, tomate,...). 

Prenons patience, les maraîchers font tout pour être prêt à la bonne saison ; à partir de fin mai, les paniers seront naturellement remplis de beaux légumes.

En ce qui concerne la disponibilité en fruits de saison, il y a uniquement quelques producteurs de kiwis localement jusqu’à fin avril, des fraises gariguette jusqu’en mai. Il faudra attendre fin mai pour les cerises et les premiers petits fruits rouges si la météo est clémente. 

Qu’est ce que cela suppose de produire en bio ?

Prévenir plutôt que guérir : par définition en agriculture biologique, tout produit chimique de synthèse est interdit, il faut donc énormément observer.

On peut rappeler quelques principes fondateurs de l’agriculture biologique :

- Le sol c’est la base. On nourrit le sol pour nourrir la plante. Il faut apporter ce dont la plante a besoin en engrais organique ou minéraux, ni plus ni moins.

- Le respect des rotations des cultures est un autre élément clé. On ne plante pas une même famille de plante deux fois en suivant sur le même sol. Cela permet de maîtriser le parasitisme.

- Tout est dans la prévention : il faut observer les cultures régulièrement, renforcer les défenses naturelles de la plante et choisir des variétés adaptées localement.

Nous organisons des formations en groupe, expérimentons des techniques alternatives ou publions des fiches techniques adaptées au maraîchage bio local. Ce n’est qu’un exemple mais nous avions essayé de voir quelle variété de tomate est la mieux adaptée aux conditions locales.

Quelles sont les spécificités du maraîchage biologique au Pays Basque ?

La plupart des maraîchers sont installés sur des petites structures (1 ha à 4 ha) et produisent minimum une vingtaine de légumes pendant l’année. Pour autant, il faut une  surface minimum pour assurer la rotation des cultures.

Dans d’autres régions, les structures maraîchères sont plus grandes, le travail est mécanisé et les cultures spécialisées : la diversité de légumes cultivée est moins large. C’est là toute la différence.

Offrir un panier diversifié toute l’année est un véritable casse tête. Cela demande une technicité accrue, une grande capacité de planification et un suivi au quotidien rigoureux.

Le maraîchage diversifié demande énormément de main d’œuvre tant pour les plantations que pour les récoltes. De plus, tous les travaux ne sont pas mécanisables (ex. désherbage manuel de la carotte). Les maraîchers qui n’ont pas pu correctement s’équiper continuent à travailler à la main. La plupart d’entre eux valorisent leur production en vente directe, ce qui leur demande énormément de temps en dehors de l’exploitation.

Les maraîchers débutent souvent seul. Certains d’entre eux reconnaissent qu’ils n’auraient jamais pu faire face sans l’aide d’amis ou de la famille. Ils accueillent également des apprentis sans pouvoir leur offrir un emploi durable à l’issue de leur formation.

Le manque de main d’oeuvre est un problème crucial, le maraîchage est un axe non négligeable de développement économique et social en terme d’emplois.

Existe-t-il des perspectives positives pour la filière maraîchage bio ?

La perspective la plus positive est la forte croissance de la demande localement que ce soit dans les AMAP, les magasins bios, les cantines ou les crèches. Parallèlement la filière maraîchère ne demande qu’à être structurée. Relocaliser la production maraîchère prend tout son sens avec la problématique du transport actuelle et à venir.

La ceinture verte de Bayonne était une zone traditionnellement maraîchère, il reste une trentaine de maraîchers conventionnels aujourd’hui. Certains d’entre eux s’intéressent fortement aux techniques bios. Seule une politique volontaire favorisera le maintien des terres fertiles en périphérie des villes et l’installation de nouveaux maraîchers.

Les maraîchers bios sont plutôt installés à l’intérieur des terres. Bien que dispersés, ces maraîchers ont une expérience à transmettre, ce qui est très bénéfique aux projets d’installation que nous suivons. En dix années, une trentaine de nouveaux maraîchers se sont installés et chaque année nous suivons 3-4 projets d’installation.

 

 

 

L’engagement des consommateurs peut il contribuer au développement du maraîchage ?

Effectivement, la demande des consommateurs ouvre des opportunités de développement du maraîchage bio en Pays Basque, à condition qu’ils s’engagent sur le long terme.  C’est l’engagement que les AMAP du Pays Basque ont pris il y a 15 ans, les magasins participatifs de consommateurs et producteurs aussi se fournissent auprès de maraîchers locaux.

Les axes de développement sont dans l’appui aux projets de conversion en agriculture biologique et dans l’accompagnement de projets d’installation. Dans les deux cas, le consommateur doit comprendre la situation et être patient.

Comment peut on faciliter l’installation de nouveaux maraîchers ?

S’installer en maraîchage se prépare : il faut bien se former, acquérir de l’expérience, trouver du foncier, boucler un budget d'investissements (hors foncier) pour bien s'équiper en matériel. Il ne faut pas précipiter un porteur de projet, il faut qu’il prenne le temps de bien mûrir son projet et de le construire pas à pas.

Nous le répétons, le consommateur doit comprendre la situation et être patient et gageons que la profession agricole et les pouvoirs publics prennent en compte ces perspectives réelles de développement de la filière maraîchère afin de répondre aux multiples exigences de la société.

Récemment, vous avez fait un appel à solidarité pour soutenir les maraîchers victimes des dernières tempêtes de vent ?

 

Cet hiver une dizaine de maraîchers ont été touchés par des tempêtes successives de vente. Plus de 5 000 m² de serres sont par terre, pour des dégâts estimés à 500 000 €. Les maraîchers ont perdu les cultures sous-abri, ils doivent racheter et réinstaller le matériel. Cela demande beaucoup temps d’énergie de tout reconstruire. Cela aura des conséquences sur les paniers de cet été et aussi de l’automne, quelques légumes manqueront.

Les maraichers se retrouvent seuls face à cette situation, sans aide de la PAC, sans accès au système des calamités agricoles, sans système d’assurance adapté. Or leurs besoins en trésorerie sont grands en ce moment. C’est le moment où il faut mettre les cultures de printemps en place, où il faut acheter les semis, les plants, les engrais organiques, etc…

Nous tentons de sensibiliser les pouvoirs publics à cette situation. Nous souhaiterions mettre en place ’un système d’assurance collective pour les serres maraîchères. Avec le changement climatique, il faut s’attendre à des tempêtes violentes et répétées.  Si on veut relocaliser la production de légumes bios au Pays Basque, il ne faut pas laisser les maraîchers seuls prendre les bourrasques. 

Continuons à encourager les maraichers dans leur démarche, dans ces moments difficiles. Ils sauront nous remercier dans quelques semaines avec de supers bons et beaux légumes, à la saison « naturelle ».

 

Avec l’association Biharko Lurraren Elkartea (BLE – Civam bio du Pays Basque), nous lançons un appel à solidarité pour aider les maraîchers touchés à se relever :

https://www.helloasso.com/associations/inter-amap-pays-basque/collectes/caisse-solidaire-paysans-en-amap-tempete-2020

 

 

03.04.2020